Angèle

Ecrit par : dimanche, septembre 21, 2014 4 Permalink

Les joies d’être thérapeute…

Laissez moi vous raconter une belle expérience qui m’est arrivée récemment en cabinet.

La patiente est une dame d’une soixantaine d’année que l’on nommera Angèle. Le prénom est changé par souci d’anonymat.

Angèle est en pleine dépression car depuis des années elle est en colère contre les hommes. Pourquoi une telle colère? elle ne se comprend pas.

En discutant elle se rend compte du nombre de fois où sa colère explose contre les hommes. Contre l’agent de police, contre les instituteurs de ses enfants, contre les politiciens, même contre le curé, la dernière fois qu’elle est allée à l’église, le jour de son mariage. Ce jour là, dans sa bénédiction, le curé a maladroitement dû glisser l’idée que la femme était « inférieure » à l’homme dans le couple. C’en était trop!!! Son oui était chargé de colère et de haine.

Bien des années plus tard, après un divorce et un nouveau mariage malheureux, Angèle vient me voir. De part sa demande de ne plus être en colère contre les hommes, je lui demande pourquoi elle vient me voir, moi, un homme. C’est parce qu’elle avait vu le travail efficace d’une de ses amies, et le nouveau départ que la série de consultations avec moi l’avait libérée elle aussi de l’angoisse et dépression.

Surpris par sa confiance, je la remercie avec beaucoup de gratitude de son courage de venir me voir alors que spontanément, elle aurait préféré faire ce genre de thérapie avec une femme (ce que je comprends tout à fait).

La séance commence, il n’a pas été long de trouver une situation où sa colère contre un homme l’a faite fulminer…

Après plusieurs séries de mouvements oculaires, elle en vient à comprendre le lien entre les injustices et les violences de ses parents lors de sa petite enfance. Les mouvements oculaires arrivent à lui faire baisser considérablement les colères à ses différents niveaux, et les douleurs qui en sont conséquentes. Elle arrive à se plonger dans ses souvenirs, et notamment comment, la petite fille qu’elle était se faisait régulièrement battre, avec comme point commun dans ces violences, son petit nez de petite fille qui saigne…

Je vous laisse imaginer l’ampleur de la violence et la douleur de ce qu’elle a dû ressentir enfant.

Elle se rend compte à quel point elle a manqué de douceur, d’affection et d’amour étant enfant, et comment l’Homme, son père, avait une part importante dans sa colère qu’enfant, il lui était interdit d’exprimer. (« Tais-toi »,  » ne parle pas », « les enfants doivent écouter les adultes » étaient les propos serinés par ses parents comme discipline).

Elle fait le lien entre ses blessures de colère inexprimées en tant qu’enfant face à l’injustice, et sa colère qui l’amène à son angoisse et à sa dépression.

Le plus beau moment de la séance à été ce qui suit.

-Connaissez-vous des parents qui élèvent bien leurs enfants?

-oui

-comment font-ils?

-Ils passent du temps avec leurs enfants, et leur expliquent ce qu’il faut faire.

-Vous avez pu assister à un moment de complicité entre ces parents-là et leurs enfants?

-oui

-Racontez-moi s’il vous plait;

Elle me raconte comment la patience de ces parents-là la touchait, ainsi que leur sens aigu de la justice dans la discipline qu’ils prodiguent, enfin comment ces enfants reçoivent l’amour de leur parents comme des enfants.

-Pouvez-vous vous imprégner à votre tour, comme une adulte de cette façon de donner de l’amour?

-Oui, bien sur.

-Faites-le

-Mais comment?

-En imaginant à votre tour que vous donnez le même amour à vous-même, quand à 6 ans vous saigniez du nez à cause d’une violente injustice.

Angèle ferme les yeux, se recroqueville, se met à éclater en sanglots en disant :

-Mais oui, jamais personne ne l’a pris dans ses bras cette petite.

-Qu’est-ce que jamais personne ne lui a dit et que vous pouvez lui dire de valorisant à cette petite?

Elle trouve une qualité :

-elle a été courageuse cette petite Angèle.

-Dites-le lui.

Elle se recroqueville de nouveau, et dans son coeur, arrive à se remettre dans la situation ou enfant elle souffrait d’injustice, avec cette violence dont elle souffrait tant physiquement.

Elle se redresse, et elle me dit

-Elle ne savait pas qu’elle était si courageuse.

Elle avait changé de voix, la colère avait tout simplement quitté sa voix, elle arrivait à présent à parler calmement. J’en ai encore les frissons.

La suite de la séance a consisté à lui apprendre à faire le métier de parent vis-à-vis de soi. Ainsi en apprenant à soi-même les qualités que l’on ignore en tant qu’enfant, un processus de réparation se met en marche.

Vous aussi, vous pouvez quand vous avez un souvenir triste, injuste et violent lors de l’enfance essayer de prendre le temps de consoler cet enfant en vous. Cet enfant qui souffre encore peut-être. Essayez de trouver la ressource qui existe et qui lui a tant manqué. Sentez cette ressource et donnez-lui.

Certains y arrivent tout de suite comme ça a été le cas d’Angèle, d’autres y arrivent avec un peu plus de pratique, mais grandir, c’est reconnaitre les qualités que l’on a pas su voir, et abandonner les douleurs liées à l’enfance pour avancer dans la vie.

Votre avis nous intéresse.

Vous aussi, faites nous part de vos efforts pour dialoguer avec votre enfant intérieur blessé.

 

 

4 Comments
  • Juliette
    septembre 22, 2014

    Ce témoignage est vraiment magnifique!!!
    Merci à « Angèle » de t’avoir autorisé à le mettre sur le blog!!
    Et qu’elle continue à choyer sa petite intérieure. Elle le mérite 🙂

  • A.LL.
    septembre 23, 2014

    Merci Angèle pour cette belle leçon de « courage »……. Tu n’as pas hésité à 60 ans à remettre en question tous tes fondamentaux et aussi toutes tes « croyances  » et cela malgré les difficultés et la souffrance que cela occasionne de revisiter son passé.
    Je te remercie beaucoup car tu me montres que TOUT est possible malgré mon âge aussi (j’ai bientôt 55 ans),
    Je suis par ailleurs très surprise de la facilité avec laquelle ton cerveau te renvoie des images très précises des trauma. de ton enfance. Si tu as UN TRUC ou une méthode, n’hésite pas à en parler, car en ce qui me concerne, c’est le « noir absolu ».

    Quand à toi Joël ton implication et ta bienveillance que tu mets au service de tes patients, m’étonneront toujours !!!!!!!!
    Merci à vous deux.

  • A.LL.
    septembre 23, 2014

    «  »Rencontre du 3e type » » ou la première fois que j’ai entendu parler de la notion de l’ENFANT INTERIEUR …….
    C’était il y 3 ou 4 ans, quand en séance, j’apprends que ce n’est jamais l’adulte qui souffre mais l’enfant en lui. Dès lors, pour se libérer du passé et trouver son équilibre, il faut non seulement rechercher son enfant intérieur, l’écouter et faire la paix avec lui pour le guérir.
    Wouah !!!!! Je suis tombée des nues, c’est comme si on me demandait d’aller à la rencontre d’ un extra-terrestre.
    Alors pour rendre plus accessible ce « concept » d’enfant intérieur, à la demande de Joël, je me suis achetée une poupée de chiffon qui devait en quelque sorte matérialiser mon « enfant intérieur.
    Et bien que j’ai mis des mois et des mois à me familiariser avec cette nouvelle notion, je me souviens que mon inconscient lui avait très bien compris. A en juger de la façon dont je traitais ma « poupée » : je l’ai plus d’une fois envoyé valdinguer à l’autre bout de la pièce.
    Un jour, alors je l’avais encore une fois de plus « maltraitée », Joël l’a calmement ramassée pour la déposer dans une espèce de porte-parapluie en fer forgé je crois et il ajouta: « qu’à chaque fois que j’agissais ainsi,c’est comme si je « la » remettais en prison……. »
    C’est fout l’impact que ses paroles ont eu chez moi, j’ai enfin compris
    que moi seule, avait le droit de VIE OU DE MORT sur mon enfant intérieur. Et que désormais, si moi l’ADULTE je voulais aller mieux,
    il me faudrait m’occuper enfin de cette « petite ». Pas simple du tout, car au départ, je la trouvais capricieuse et trop envahissante, je me devais de l’écouter et de me répondre à ses demandes. C’est toujours très difficile pour moi, car je me sens toujours coupable de me focaliser que SUR MOI.
    Mais , j’ai enfin compris que tant que je ne m’accorderai pas ce dont j’ai besoin, cet enfant interieur continuera à se comporter comme un véritable TYRAN et PERSECUTEUR.
    Par moment, je me sens très découragée, car le chemin est très long por faire grandir cette petite, et comme dit si bien Joël, la faire grandir c’est lui reconnaître ses qualités et surtout LUI pardonner d’avoir été « victime ».
    J’en suis juste là ……… Accepter de se pardonner, à ce qu’il paraît, cela vous change LA VIE !!!!! J’attends encore le « declic » libérateur !!!!!
    Si certains parmi vous ont déjà réussi à guérir leur « enfant », s’il vous plait, faites-nous part de votre expérience.
    Je crois que je suis

    • Juliette
      septembre 23, 2014

      Petite question, ALL:
      est-tu VRAIMENT sure que c’est ton enfant intérieur qui se comporte en « tyran » et en « persécuteur »??
      Considère stp à nouveau l’article : « observer ses pensées ».
      Essaie de garder en mémoire qu’un manipulateur s’arrange toujours pour faire passer la victime pour coupable. Concrètement, qui est le VRAI tyran, le VRAI persécuteur?

      Si tu l’identifie bien et que tu continues à t’en rappeler, tu t’en sortiras! 🙂

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