La crise d’angoisse selon Dr Andréa BASA

Ecrit par : vendredi, septembre 5, 2014 4 Permalink

La crise d’angoisse n’est pas dangereuse, mais…

Aujourd’hui Docteur Andréa BASA nous fait l’honneur de nous accueillir et de répondre à nos questions. Elle est médecin psychiatre et psychothérapeute avec plus de 9 ans de pratique. Elle va nous apprendre beaucoup de choses sur la crise d’angoisse, qui même si très désagréable, elle n’est pas dangereuse, et nous verrons comment y voir clair pour s’en sortir.

Joël ALIDOR : Bonjour et bienvenue sur cette nouvelle vidéo du blog quitter angoisse et dépression. Aujourd’hui une interview d’un spécialiste Docteur Andréa BASA. Bonjour Docteur

Dr Andréa BASA : Bonjour Joël

JA : On va lui poser quelques questions, tout d’abord, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots ?

Présentation

AB : J’ai un double diplôme, tout d’abord un diplôme de médecin auprès de l’université de TIMISOARA en Roumanie et ensuite, j’ai un diplôme d’études spécialisée en psychiatrie auprès de l’université de Nice.

JA : OK. Quelles sont vos expériences professionnelles ?

AB : Je cumule 9 ans d’expérience hospitalière auprès de cas les plus complexes, des plus difficiles sur les plans humains, familiale et diagnostique.

JA : En quoi est-ce que vous êtes la meilleure (si on peut dire) ?

Compétences de Dr Andréa BASA

AB : J’ai les capacités, la compétence de poser un diagnostic précis, ensuite, j’ai la capacité de proposer un plan de suivi personnalisé, avec une excellente efficacité à court, moyen et long terme. que ce soit pour les situations les plus chargées, les plus complexes sur le plan familial, sur les conséquences, dans tous les aspects de la pathologie mentale.

JA : D’accord, est-ce que vous avez des spécialisations ?

AB : Mes spécialisations sont les addictions, les difficultés de couple et les troubles de la personnalité dans tout ce qui est schéma dysfonctionnel d’adaptation de la personne à la réalité, et une sensibilisation à la thérapie systémique Gestalt et la thérapie centrée sur la personne.

JA : Merci de répondre à nos questions, on est sur un blog où on parle beaucoup d’angoisses et de dépression, pour vous, quelles différences faites-vous entre la peur, l’anxiété et l’angoisse ?

AB : Par le mot peur, on va entendre surtout la réaction face à une menace identifiée spécifique. Je me retrouve face à des cambrioleurs, j’ai de la peur. L’anxiété recouvre plus le versant psychologique, tout ce que le mental peut me dire, ce qu’on appelle les ruminations, toutes ces idées que l’on peut ressasser. Alors que l’angoisse recoupe tout l’éprouvé corporel, c’est la réaction incarnée par le corps.

Le mécanisme dans le corps

Les réactions en chaine dans le corps.

Les réactions en chaine dans le corps.

JA : Que se passe-t-il vraiment dans le corps quand on est confronté à une crise d’angoisse ?

AB : Une crise d’angoisse traduit une hyperactivation des mécanismes physiologiques de la peur. C’est à dire l’homme depuis la nuit des temps à été mis en situation d’avoir une réaction rapide face aux situations de danger dont l’enjeu était la survie même de l’espèce. Face à un prédateur, l’homme devait décider rapidement si le meilleur comportement allait être la fuite, face à un prédateur plus puissant, ou la lutte face à un prédateur estimé plus faible. Les mécanismes physiologiques de la peur sont sensés mettre le corps état d’alerte et en état de capacité à faire face rapidement. Donc, qu’est-ce qu’on trouve dans le corps au moment où cette réaction corporelle s’embrase ? Tout d’abord, on va retrouver un état d’hyper activation cardiovasculaire. Je peux avoir le coeur qui palpite, avec des palpitations et une tension qui monte. Je peux avoir des effets sur les muscles, avec un état de crispation, de tremblements, voire de secousses musculaires. Je peux avoir des réactions gastro-intestinales, c’est-à-dire, la boule au ventre, une crampe, quelque chose qui serre. Je peux avoir aussi des réactions avec la sphère ORL avec une impression de vertige, une sensation de tangage avec une irritabilité, voire des réactions sensorielles un peu particulière avec une impression de déréalisation, de perte d’équilibre, de vue floue.

Le traitement de la crise d’angoisse

JA : Quels traitements trouvez-vous efficaces contre la crise d’angoisse ?

La crise d'angoisse est comme un feu qu'il faut juguler et circonscrire.

La crise d’angoisse est comme un feu qu’il faut juguler et circonscrire.

AB : Tout d’abord, je fais la distinction entre les traitements psychologiques et les traitements médicamenteux. Les deux ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de la crise d’angoisse. Je peux peut-être détailler un peu plus les thérapies psychologiques avec un mot, une précision pour les traitements médicamenteux (qui sont des traitements antidépresseurs). Concernant les traitements psychologiques, il y a encore une différence à faire entre la gestion de la crise (quand il y a le feu, qu’est-ce que je peux mettre en place pour éviter l’embrasement, et juguler la crise ?) ensuite le traitement de la crise, la prise en charge de la crise en amont, qu’est-ce que je peux mettre en place, à distance de la crise pour être dans la prévention et juguler les mécanismes d’entretien de la crise d’angoisse. En schématisant, l’importance du travail en amont est juste capital car elle permet de travailler sur les pensées, donc tout ce que le mental fait pour entretenir la peur de la peur. Et le travail sur le comportement, c’est-à-dire les actions qui sont plus constructives, et les actions qu’il faut absolument éviter quand on se retrouve face à des crises d’angoisse à répétition.

Le besoin de contrôle

JA : Que répondez-vous à ceux qui par soucis de pudeur émotionnelle sont dans une envie de contrôle ?

AB : Tout d’abord, je trouve que c’est légitime et justifié, face à un problème émotionnel de chercher une solution. De chercher à contrôler quelque chose qui nous permet de profiter pleinement de notre vie. Après, ce qui peut-être source de difficultés pour la personne, c’est de se mettre dans l’exigence de pouvoir contrôler à 100% et tout de suite les crises d’angoisse.

JA : Qu’est-ce qu’on peut dire à ceux-là ?

AB : Je les invite tout d’abord à examiner quelle est la fonction utile de l’angoisse. Pourquoi c’est une émotion que l’on ressent.

JA : Ok, est-ce que l’on peut prendre un exemple ?

6h du matin, comment réagir à une crise d'angoisse ?

6h du matin, comment réagir à une crise d’angoisse ?

AB : Un exemple concret pourrait être : je suis dans mon lit à 6h du matin, je fais une crise d’angoisse (le coeur qui palpite, les jambes en coton, boule au ventre, des nausées, c’est épouvantable le coeur qui s’accélère…). Ce que je me dis : comment je vais faire si je perds mon travail, si jamais mon bailleur me met à la porte ? Quelle est la fonction utile de cette crise d’angoisse ? Peut-être, elle m’invite à faire un point sur ma vie. Est-ce que je mets tout en place pour que ça se passe bien au travail ? Est-ce que je paie mon loyer ? ça me sert à m’activer, pour être acteur de ma vie, pour faire en sorte que mes factures soient payées, pour être à l’heure et opérationnel au travail, c’est ça la fonction utile de la crise d’angoisse.

L’aide à apporter aux victimes

JA : Comment aidez-vous ceux qui ont peur de leurs crises d’angoisse ?

AB : Tout d’abord je les invite à examiner et à préciser comment elle se traduit, comment le mental traduit cette peur de cette crise d’angoisse. Mon expérience montre que la plupart du temps, la peur se traduit par : « et si je faisais un malaise ? »,  » et si c’était grave ? », « et c’est horrible ! », « et c’est catastrophique ! ». Ensuite, j’invite la personne à examiner avec son esprit critique ses croyances pour juger, avec sa logique, quelle est la validité de ces croyances-là. En sachant qu’à l’heure actuelle, il existe des arguments scientifiques qui permettent de décrypter le mécanisme même de la crise d’angoisse. On sait aujourd’hui que c’est simplement une exagération de la réaction d’alerte normale.

On sait au jour d’aujourd’hui, et ça c’est important de le transmettre à la personne, que la crise d’angoisse découle toujours de la même façon, c’est-à-dire, elle apparait d’un coup, elle s’embrase très vite, avec une sensation d’angoisse paroxystique, ensuite elle se stabilise en plateau pour redescendre, et ce tour-là, cette boucle est faite entre trente minutes et deux heures. Donc premièrement une action d’information réaliste auprès de la personne. Ensuite, une remise en question des croyances irrationnelles du type : mon coeur va lâcher, c’est grave, c’est un malaise, c’est horrible, ça ne devrait pas m’arriver.

Les crises d’angoisse ne sont pas dangereuses

JA : Vous êtes en train de dire que les crises d’angoisse ne sont pas dangereuses.

AB : Absolument, ça fait partie de la première information que j’estime utile à transmettre à quelqu’un qui cherche à s’en sortir. Quand les patients viennent me voir, en général, ils ont vu dix cardiologues, deux ORL, quatre médecins généralistes. Vous vous rendez compte le temps perdu, l’argent perdu, et surtout à quel point ce tourisme médical auto-entretient la peur de la peur.

Les vrais risques

JA : Est-ce qu’il y aurait par contre d’autres risques réels liés à la crise d’angoisse ?

AB : Le risque qui est bien réel dans la crise d’angoisse c’est de pérenniser, par nos propres croyances et par nos propres attitudes d’évitement, la crise d’angoisse, avec là du coup, des complications qui sont bien réelles et bien embêtantes. Tomber dans l’agoraphobie, tomber dans la dépression, se mettre à boire, avoir des idées suicidaires, ça c’est le risque réel.

L’agoraphobie

JA : Alors, expliquez-vous, c’est quoi l’agoraphobie ?

L'agoraphobie n'est pas la peur de la foule, mais la peur de la peur de la foule.

L’agoraphobie n’est pas la peur de la foule, mais la peur de la peur de la foule.

AB : L’agoraphobie serait la peur d’affronter certaines situations, c’est-à-dire la peur d’affronter un supermarché, une autoroute, un pont, peur de faire une crise d’angoisse dans cette situation-là.

JA : Donc c’est pas la peur d’aller dans la foule, c’est la peur d’avoir peur dans la foule.

AB : Exactement, quand on questionne une victime de l’agoraphobie, la première approche est de dire, j’ai peur d’aller dans la foule, et quand j’explore avec elle ce qui l’inquiète, ce qui se passerait en admettant : je vous mets aujourd’hui dans la foule. Qu’est-ce que vous redoutez ? On retrouve toujours la crainte exprimée avec plus ou moins de honte et de retenue la crainte de faire une crise d’angoisse, une sorte de malaise, de ne pas pouvoir être secouru ou de ne pas pouvoir y échapper en temps utile. Donc tout comme si la première personne qui a fait une crise d’angoisse en étant au supermarché fasse un lien entre la crise d’angoisse et la situation au supermarché, et ça va être à partir de cette expérience malheureuse certes, qu’elle voudra éviter de se rendre à ce supermarché. Cette situation répétée x10, ça en fait une agoraphobie.

JA : Quel est le lien entre la crise d’angoisse et l’agoraphobie ?

AB : Le lien se fait par la croyance qu’on lui attribue, par une attribution erronée de la causalité. Nous pensons que c’est le fait d’être dans la foule qui est la cause de la crise d’angoisse.

Nous vivons un manque d'éducation terrible face au monde de l'émotion.

Nous vivons un manque d’éducation terrible face au monde de l’émotion.

JA : Pourquoi est-ce si difficile de contrôler ces crises d’angoisses ?

AB : Je pense qu’à l’heure actuelle, nous sommes tous dans un manque d’éducation terrible face au monde de l’émotion. Nous avons un tas de savoir faire et des outils pratiques pour faire face aux difficultés complexes de la vie quotidienne, pour résoudre les problèmes matériaux complexes. Or nous avons aucune connaissance sur l’émotion, sur l’utilité des émotions, et comment auto-gérer nos émotions. C’est la première des choses, c’est le premier obstacle. A partir de là, ce manque d’éducation fait la place à un tas d’idées irrationnelles forcément catastrophistes, et qui nous empêchent d’avoir une action sur nos émotions et de contrôler notre angoisse.

JA : Peut-on expliquer ce qui amplifie les effets de la crise d’angoisse ?

AB : Schématiquement, je retrouve deux facteurs qui peuvent impliquer les crises d’angoisse, et qui deviennent du coup des leviers très puissants pour agir sur les mécanismes d’entretien. Ce qui amplifie peut être en premier lieu l’hyperventilation. Elle-même participe à l’embrasement de la crise d’angoisse. Deuxième chose, c’est toutes les pensées automatiques et irrationnelles lié au caractère dangereux de la crise, lié au caractère catastrophique de la crise.

Si je suis moi-même victime

JA : Que peut-on faire quand on est soi-même victime d’une crise d’angoisse ?

AB : Prenons un exemple concret, demain, je passe un IRM (situation typique dans laquelle 30% des gens sont susceptibles de faire une crise plus ou moins prononcée). Qu’est-ce qui peut se passer typiquement ? J’arrive, je rentre dans le tube de l’IRM (situation typiquement claustrophobogène pour la personne). Qu’est-ce qui se passe ? Mon mental aura tendance à me répéter un tas d’idée du type : « si j’étouffe, les manipulateurs radio ne pourront pas me sortir du tube. Qu’est-ce qui va se passer si le tube va s’effondrer sur moi, et là, ça va être terrible, ça va être dramatique ». Donc ce que je préconise en premier lieu, c’est de prendre conscience de ce qui se passe dans mon esprit et à chaque fois contester, remettre en réalité, vérifier, et me dire : « L’IRM est contraignant et désagréable, pourtant ce n’est pas un examen réputé dangereux en principe ». Ou alors : « Et si il t’arrivait quelque chose, dans la situation peu probable où ça m’arrive, n’oublie pas Andréa que tu as dans la mien une poire, que tu peux activer pour être secourue ». Et pendant ce travail que je fais pour me mettre en situation, en direct, tout de suite, je ne laisse pas les pensées aller dans tous les sens, je m’autodiscipline, et j’accompagne ce travail par une respiration profonde abdominale et lente.

Vivre avec…

C'est désagréable, mais pas dangereux.

C’est désagréable, mais pas dangereux.

JA : Et concrètement, pour ceux qui sont victimes de crises d’angoisse, comment vivre avec une crise d’angoisse ?

AB : ça c’est une question qui invite à une réflexion capitale, dans le sens que les gens qui arrivent chez moi sont profondément convaincus qu’on ne peut pas vivre avec une crise d’angoisse, alors qu’une crise d’angoisse n‘a pas de caractère dangereux. Ca a un caractère désagréable et contraignant, mais on peut tout à fait vivre avec, et surtout, on peut traverser les 32h de crise d’angoisse, sans aucun heurt sur notre état de santé, sur le reste de notre journée. C’est une première information à donner à toutes personnes. C’est quelque chose qui peut arriver à plein de personnes, d’ailleurs, la fréquence de la crise d’angoisse dans la population générale, c’est entre 1 et 6%. Je prends 100 personnes, 1 à 6 personnes de cet échantillon-là feront une crise d’angoisse dans leur vie. C’est énorme. Ca veut dire que l’on est tous potentiellement concernés par cette problématique et que c’est pas grave, on peut survivre.

L’aide concrète à ceux qui en souffrent

JA : Comment aider quelqu’un qui subit une crise d’angoisse sous nos yeux ?

AB : Je suis avec ma soeur, et je constate que ma soeur fait une crise d’angoisse sous nos yeux. La première des choses pour aider efficacement ma soeur est de savoir si moi, je suis au clair avec ce qu’est la crise d’angoisse, que ce n’est pas dangereux de l’avoir. Bien sûr, cela m’embête, je trouverai préférable que ça n’arrive pas, mais est-ce pour autant terrible ? Est-ce pour autant dramatique ? Si moi je suis déjà au clair avec moi-même dans mon attitude face à ça, là, je peux avoir une chance, et déjà je peux avoir une efficacité à 50% sur l’état de ma soeur. A partir du moment où on a découvert l’importance, en tant qu’accompagnant, d’avoir des idées claires et logiques sur l’angoisse, quelles sont les conséquences logiques sur mon attitude ? Premièrement garder un lien visuel avec la personne. Si la personne est ma soeur, je pourrai avoir un lien avec le toucher. Je lui parle calmement en faisant attention d’avoir une voir trop aiguë. Je peux lui expliquer d’une façon simple que ce qui est en train de lui arriver est une crise d’angoisse. Ce n’est pas un AVC, ni un infarctus. Tout en évitant un maximum de l’assaillir d’un flot de paroles : « mais ma pauvre petite, c’est pas grave je vais t’emmener chez le cardiologue ». Ou « j’appelle tout de suite le SAMU, on va à l’hôpital ». Ce sont des choses à limiter ou à éviter dans la mesure du possible et ensuite, ce que je peux faire, le meilleur service rendu à ma soeur ici présente qui fait une crise d’angoisse serait de la faire respirer avec moi, de l’initier et de l’accompagner. Je peux si c’est ma soeur me permettre de toucher son ventre pour lui montrer comment je pratique la respiration abdominale. Ensuite je peux lui proposer d’écouter de la musique ou de lui faire sentir une huile essentielle. Tout ce qui peut faire diversion et qui permettra à son esprit, à son mental de se défocaliser sur les sensations désagréables pour qu’elle puisse fixer son attention sur autre chose. Quel est l’intérêt de fixer son attention sur autre chose ? Fixer son attention sur autre chose permet d’arrêter l’exigence du mental à contrôler les battements du coeur. Non, on n’est pas censé de contrôler les battements du coeur, je suis censée avoir une discussion avec vous Joël, mon tronc cérébral sait parfaitement comment réguler et ma respiration, et mes battements du coeur. Permettre de détourner l’attention de la personne en crise d’angoisse vers autre chose donne la meilleure chance à son organisme d’enclencher un mécanisme d’autorégulation qui fait que le coeur s’apaise, que la respiration revient et que l’organisme se détende.

Pourquoi et qui consulter ?

JA : Expliquez- nous à quoi ça sert d’aller voir un thérapeute si je peux moi-même me faire une séance de massage, ou bien si j’écoute vos préconisations, attendre que ça se passe puisque c’est pas grave…

AB : L’objectif d’une séance de massage est de me faire sentir mieux sur le cout terme alors que le but d’une thérapie est d’être mieux et à faire mieux dans l’avenir et sur le long terme. Me sentir mieux, ça permet aussi de prévenir tout les mécanismes qui entretiennent l’angoisse. Pareil, pour attendre que la crise d’angoisse passe, si j’aborde pas les croyances qui entretiennent la peur sous-jacente, j’ai toutes les chances de recommencer la fois suivante, et de reproduire ma crise d’angoisse. Il existe une énorme différence entre trouver la raison sur le coup, et avoir des solutions et des stratégies efficaces durables pour y faire face.

La puissance et la limite des livres

JA : Pourquoi aller voir un thérapeute alors qu’il existe des livres qui permettent d’en sortir et que ce n’est pas si grave que ça ?

AB : Les livres de grand public, de self help ont toutes leur utilité pour des personnes qui sont motivés et qui sont entrés dans la boucle de la crise d’angoisse depuis peu de temps. Quelqu’un de motivé qui est depuis trois semaines dans le mécanisme de l’angoisse peut être grandement aidé voire s’en sortir lui-même avec la lecture de matériel éducatif efficace qui décrypte les mécanismes de l’angoisse. Malheureusement, ce n’est pas le cas de tout le monde. Les patients que j’ai en cabinet sont des gens qui vivent dans la peur depuis des années, avec tous les effets néfastes et toutes les réactions en cascade que ça peut faire sur les relations avec les gens, leurs capacités à affronter le quotidien, le travail etc. Ces gens-là sont dans l’incapacité de s’en sortir par eux-même, ils ont besoin d’un traitement personnalisé, de quelqu’un qui puisse leur expliquer de façon pédagogique ce qu’il sont en train de vivre qui puisse explorer leur craintes, et peut-être accompagner la démarche, hiérarchiser les bonnes actions à mener. J’insiste aussi sur le coté personnalisation du travail, et ça seul un thérapeute peut le faire. Un livre a beau être bien écrit, un livre ne peut pas apporter un diagnostique sur la souffrance d’Andréa. Andréa, quand elle est anxieuse et qu’elle lit un livre de psychologie, par le caractère important de son stress va peut-être avoir tendance à se reconnaitre dans toutes les pathologies, dans tous les troubles. La nature de type d’aide d’un thérapeute sera de préciser le diagnostique et dire : « Andréa, tu fais une crise d’angoisse, et c’est lié à l’agoraphobie ». Et c’est très différent que :  » Andréa, tu fais une crise d’angoisse d’accord, mais c’est dans le cadre de la peur de t’exprimer en public ». C’est une phobie sociale. Ou :  » Andréa, tu as des angoisses, mais c’est à relier à ta dépression, tu as une dépression sévère, du coup avec des angoisses ». Trois situations différentes avec trois attitudes et trois plans d’action différents.

JA : Et opposés même

AB : Et opposés même !!!

L’analyse de la méthode Coué

JA : Quelle est la différence entre l’approche que vous préconisez et la méthode Coué ?

AB : La méthode Coué serait de dire :  » Andréa, d’accord, tu as des angoisses, dis-toi tout simplement que tu vas bien que tu vas bien et voilà !!! Mon approche consiste plutôt à dire : « examinons tes craintes, voyons si elles sont logiques, ou irrationnelles. Il y a quand même une part de vérité dans tes craintes ». Je suis à la maison, je fais une crise d’angoisse à 6h du matin, il y a plein de choses qui se passe, je me dis :  » c’est terrible, je vais mourir. C’est fini, je vais perdre mon emploi etc. » Un thérapeute pourra m’aider à réaliser la part de réalité de toutes ces angoisses. Peut-être que je ne vis pas quelque chose de dangereux pour le santé. Mon coeur va bien, ce n’est pas horrible ni catastrophique, mais peut-être j’ai des soucis à me faire au niveau professionnel. Il ne s’agit pas de dire tout es merveilleux, mais quelle est la partie de crainte justifiée, quelle est la part illogique. Sur la partie des craintes justifiées, il s’agit de la prendre en compte, et de résoudre des problèmes. Et sur la partie illogique, c’est vraiment de la remettre en question et de la remplacer par des croyances plutôt adaptées.

Les thérapies à éviter

JA : Alors Dr Andréa BASA, y a-t-il des thérapies que vous déconseillez à quelqu’un qui souffre d’angoisses ?

AB : Je pense qu’il y a un panel assez large de thérapies et d’outils thérapeutiques qui ont fait leurs preuves dans la prise en charge de la crise d’angoisse. Néanmoins, je vous invite à réfléchir, à l’utilité d’une approche qui est trop vague, qui est trop floue, et qui consisterait simplement à laisser parler le patient avec le moins d’interaction possible. Alors, avantages et inconvénients :

Avantages : quelqu’un qui est replié chez lui depuis des semaines et qui arrive à en avoir des idées noires pour lui, rencontrer un thérapeute qui l’écoute tout simplement qui prenne le temps de l’écouter, c’est précieux, c’est extraordinaire. Ca permet de sortir de l’isolement et de mettre des mots sur les émotions. Je vous invite aussi à aller plus loin dans la réflexion. Est-ce que le fait de se sentir écouter améliore le mécanisme de l’angoisse. Est-ce que ça serait utile et suffisant ? Moi j’ai ma propre petite idée là dessus…

JA : Allez-y !

AB : Moi je pense que non, parler simplement ne suffit pas, juste parler ça amène à s’auto-conforter voire de tomber dans un auto apitoiement extrême, voire même dans une sorte de misérabilisme psychologique. Une victimisation… Alors qu’en confrontant avec un thérapeute compétent, nous avons des outils efficaces pour casser le cercle vicieux de la crise d’angoisse.

Ce qu’est un bon thérapeute

JA : Quels conseils vous donnez à quelqu’un qui souhaite trouver un thérapeute pour soigner son angoisse ?

AB : Un bon thérapeute, quelle que soit la difficulté psychologique, un bon thérapeute doit réunir trois conditions : être empatique, chaleureux, et professionnel. Empatique, ça veut dire qui est capable d’aller sur le terrain du patient explorer sa réalité à lui. Quelqu’un qui ne reste pas dans une sorte de modèle théorique mais qui va chercher dans la réalité du patient de quoi il souffre, comment les craintes du patient se matérialisent. Chaleureux dans le sens d’un thérapeute qui soit interactif, qui soit humain. Qui soit soutenant, impliqué dans la thérapie. Professionnel : quelqu’un de compétant qui a une expérience professionnelle, et une boite à outils avec des outils qui ont fait leur preuves. Moi, je rajouterai une quatrième qualité : la modestie. ça veut dire la capacité de ce remettre en question, d’admettre qu’il s’est fourvoyé, et que c’est là le moment de changer d’outil thérapeutique. En pratique, je conseille de passer par un thérapeute recommandé, ou à défaut de pouvoir obtenir peut-être des informations sur le thérapeute par une autre façon, est-ce qu’il a écrit un livre ? qu’est-ce que je peux savoir sur lui dans le factuel ?

JA : ou un blog…

AB : Un blog ça permet de savoir la manière de s’exprimer du thérapeute, comment il écrit son approche thérapeutique et le but thérapeutique. ça parait extraordinaire, et pourtant ça devrait être normal pour les patients. Et pour finir, le but ultime, j’ai beau aller voir le thérapeute qui a sauvé ma voisine des crises d’angoisses, peut-être que lui ne sera pas adapté à mes besoins, à ma problématique. Comment faire ? J’invite chaque patient à utiliser son propre esprit critique. Oser poser toutes ces questions au thérapeute. Est-ce que je peux tirer des conclusions là-dessus ? Et chaque fois remettre en question. Eviter de tomber dans une forme de soumission quelle qu’elle soit. Toujours utiliser son esprit logique.

Conclusion et remerciements

JA : Docteur Andréa BASA, merci beaucoup d’avoir passé ce temps, de nous avoir appris tout ça d’avoir répondu à nos questions. A très bientôt sur ce blog pour d’autres interviews. Ecrivez vos questions et vos commentaires en bas, Dr Andréa BASA et moi-même seront ravis d’y répondre. Merci beaucoup de nous avoir suivi et à très bientôt.

4 Comments
  • Juliette
    septembre 5, 2014

    Merci pour cet interview.
    Beaucoup d’informations précieuses.
    Mieux on comprends, moins on est anxieux.

  • Juliette
    septembre 7, 2014

    Je réagis à nouveau, après avoir vu la vidéo…
    C’est déjà énorme de rassurer sur le fait que la crise d’angoisse n’est pas dramatique, que ce n’est pas une crise cardiaque et qu’elle n’est pas dangereuse en elle-même pour notre vie et notre santé.
    Ceci dit, il me semble qu’une fois ce fait accepté, la HONTE de faire des crises émotionnelles dans un système, un environnement qui a tendance à nier et mépriser les émotions, peut être un gros frein à la dédramatisation de ces crises d’angoisse.

    J’aimerais bien avoir le retour d’expérience du Dr Basa sur comment gérer cette honte, cette culpabilité d’être vulnérable, qui peut nous envahir dans ce cas-là.

    Merci d’avance

  • dr Basa
    septembre 8, 2014

    Bonjour Juliette,

    Votre question soulève la complexité du faire face alors que la personne vit dans un climat familial défavorable. Voire un entourage qui entretient les difficultés par sa perception négative de la situation.

    C’est pour ça que j’ai différenciée l’angoisse selon le contexte dans lequel elle intervient.

    Dans votre exemple, il y a des boucles négatives qui se mettent place, des cascades qui renforcent de plus en plus les troubles émotionnels de la personne. Ca se traduira, sur la personne, par des schémas de pensée (des sortes de filtres par lequel on voit le monde) de type soumission « si maman le pense, c’est que c’est vrai », ou vulnérabilité « je suis quelqu’un de fragile, je m’en sortirai pas tout seul ».

    Maintenant j’inviterai quelqu’un qui est pris là-dedans à prendre conscience du caractère répétitif de ces idées à réfléchir activement là-dessus. Quelle est leur part de vérité? S’il y en a une. Elles étaient valables peut être dans le passé, sauf qu’elles n’ont plus lieu d’être. « Je peux me dire que quand j’étais une petite fille, j’étais seule et sans protection… maintenant à l’âge adulte je peux peut être prendre soin de moi même ».

    La honte peut être le résultat de ce qu’on appelle des « pensées sur les pensées ». Non seulement je me sens fragile, mais je me dis que je ne devrais pas être aussi fragile.
    Donc une idée: qu’est ce qui vous prouve que vous ne devez pas vous sentir aussi fragile? Vous êtes un être humain faillible c’est OK d’avoir des états d’âme.

    Autrement dit Juliette: votre famille ne vous aide pas à dédramatiser vos angoisses. Très bien, vous avez encore la possibilité de prendre soin de vous même en AUTO-DEDRAMATISANT l’angoisse. Et en remettant en question, dans votre esprit, les croyances de votre famille.

    Bon courage
    Dr Basa

    • Juliette
      septembre 9, 2014

      Je vous remercie beaucoup, Dr Basa, d’avoir pris le temps de me répondre de manière aussi complète.
      C’est vrai que j’ai des croyances qui faussent facilement ma perception de la réalité. Je lutte beaucoup à les débusquer et à les désamorcer. C’est souvent un défi pour moi de repérer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Petit à petit je progresse.
      Ca me parle beaucoup votre expression « les pensées sur mes pensées ». J’ai l’impression d’être toujours à la fois spectatrice et juge de ce que je pense, de ce que je ressens, et bien sûr, de ce que je fais. Ca me donne souvent le sentiment de ne pas être moi-même, d’être comme « déconnectée » de ce que je vis, comme si à la fois le film de ma vie se déroule, et à la fois je suis critique de chaque scène de ce film. C’est épuisant. Mais je m’accroche. Ca fait du bien de savoir qu’il y a des outils concrets pour améliorer clairement sa situation.

      Grâce à vos explications, je crois avoir repéré chez moi une angoisse constante _ sans que cela atteigne vraiment le stade de crise, et qui se traduit par une oppression thoracique et un besoin de gonfler mes poumons d’air. J’ai remarqué aussi que je bloquais très fréquemment ma respiration, sans même m’en rendre compte. J’ai essayé d’observer mes émotions et mes pensées. Je ressens une peur constante de mal faire. Plus exactement, je panique intérieurement lorsque je mobilise tout ce que j’ai de bon en moi pour faire de mon mieux et que, soit cela a des mauvaises conséquences inattendues (pour moi en tout cas), soit c’est mal interprétés, soit ca laisse indifférent. Je panique de cette « déconnexion » entre ce que je sème et ce que je récolte. Alors chaque fois que je fais quelque chose, ou que je dis quelque chose, instinctivement je retiens mon souffle et je suis dans un état de stress, d’anxiété intérieure, et l’angoisse se manifeste essentiellement par la respiration et, je pense, ma posture (le dos, les épaules, etc).
      Maintenant que j’ai conscience de tout cela, j’essaie de me détendre consciemment, de me rassurer que je ne suis pas en danger.
      Les résultats sont encore timides…
      Que pourrais-je faire pour continuer mes progrès et diriger encore mieux mes efforts?

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